Elemental Thumb

Propos sur le design élémentaire

Traité ésotérique de l'interaction des forces dans le design digital

atomique

« Connais premièrement la quadruple racine
De toutes choses : Zeus aux feux lumineux,
Héra mère de vie, et puis Aidônéus,
Nestis enfin, aux pleurs dont les mortels s'abreuvent. »

Empédocle (460 av. JC)

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- Partie 1 -

Considérons pour commencer le terme « ésotérique » du sous-titre dans son sens premier : celui de la Grèce antique, car la dimension spirituelle n'aura ici de portée que dans l'essence même de la recherche de ce qui nous apparaitra fondamentalement élémentaire. De l'introduction aux conclusions il s'agit d'initier et c'est pourquoi cet article restera solidement ancré sur un postulat strictement scientifique, ce qui n'interdit pas de rêver ou méditer. Il faudra bien, par ailleurs, aborder le sujet de l'inspiration et des influences sensorielles et culturelles.

Or, pour poser la question du design digital aujourd'hui, il convient probablement de remonter aux origines basiques de la science et d'éviter la tentation de l'uniformisation imposée par le consumérisme et sa diversité exponentielle de supports, puisqu'il s'agit clairement d'un non-sens. Il semble fou de vouloir confiner la création dans des workflows cadrés et unilatéralement validés par des maîtres marchands. Flat design, Material design, Atomic design... autant de vaniteuses tentatives pour maîtriser le temps de production au mépris des règles les plus évidentes. Non, le temps en création ne se maîtrise pas car il est, lui aussi, soumis aux lois universelles de relativité. Ainsi, la recherche de la plus petite composante dans un univers aux caractères infinis semble une quête ambitieuse pour des entités qui dépassent rarement les trois ans d'existence.

Nous en sommes donc à inventer des métaphores scientifiques pour justifier les dérives régulières concernant la cohérence des outils de communication au sein d'une même marque. Ces nouvelles méthodes ne sont pas sans failles, loin s'en faut, et tendent inexorablement à uniformiser l'ensemble de la création digitale. Alors soit, théorisons, mais restons sérieux, allons au fond des choses.

A. Les éléments

Les grecs sont les pères de la science moderne. Ils ont supputé que toute matière était composée de 4 éléments dont les variations de quantité et d'interactions en détermineraient la qualité et le caractère. Démocrite devine également que toute matière est composée de briques insécables (a-tomos) contenant chacune les propriétés des 4 éléments fondamentaux qui, selon des variables d'interactions, se combinent pour établir la complexité du monde. Voici ces forces éternelles :

  • terre

    Terre - L'élément solide

    Il possède une consistance, une masse un poids ainsi qu'une forme visible.

  • eau

    Eau - L'élément liquide

    Il prend la forme de son récipient et coule en fonction de la pente ou de la pression, il se déplace sous l’action de l'air et pénètre les espaces.

  • feu

    Feu - L'élément actif

    Il possède une énergie qu’il peut transmettre à son environnement immédiat, il transforme la matière à son contact qui peut devenir liquide, gaz ou feu à son tour.

  • air

    Air - L'élément gazeux

    Il est léger et sensible au mouvement. On peut le compresser jusqu’à ce qu’il devienne eau.

Vous ne manquerez évidemment pas de remarquer qu'il ne s'agit ni plus ni moins que des symboles élémentaires de l'alchimie sur lesquels s'appuient notamment les astrologues pour développer leurs thèses. Certes, mais il est remarquable de constater que toutes les avancées scientifiques de l'Histoire intègrent ces 4 éléments. De la médecine (humeurs) à l'occultisme (équilibre et déséquilibre des forces) en passant par la biologie (règnes), la climatologie ou encore la navigation (points cardinaux), toutes les sciences humaines sont tributaires de ces éléments. Même la physique moderne, dite des particules, doit composer avec 4 forces fondamentales (pour rappel : nucléaire forte, nucléaire faible, électromagnétique, gravitationnelle). La part de mystères et de sens cachés qu'elles sous-tendent continue à alimenter des théories qui s'acharnent à les renommer et leur attribuer des propriétés toujours plus exotiques. Toute cosmogonie est acceptable dès le moment où on la considère. L'observation seule restant soumise à nos limites.

Transposés au design digital ces éléments peuvent donc être présentés ainsi :

texte terre TERRE = GRAPHISME - Logo, identité de marque, design UI/UX, illustration, charte graphique globale : le visible, la part qui ancre l'image durablement et procure le socle d'une communication solide.
texte eau EAU = INTÉGRATION - Développement front-end/back-end, feuilles de style, mise en application UI/UX : le code qui coule derrière la présentation digitale. Il ne se voit ni ne s'entend, il reste caché aux profanes mais structure les outils de communication.
texte feu FEU = ANIMATION - Par le mouvement, il transforme les autres éléments et donne tempo et rythme à l'application digitale, capturant ainsi l'attention recherchée. L'energie nécessaire est néanmoins une donnée primordiale qu'il faut aborder avec savoir.
texte air AIR (ou éther) = RESPIRATION - Pour rester concentré sur les objectifs il est parfois nécessaire de se donner un peu d'air. Mener des expériences hors commandes, se perfectionner dans des disciplines connexes, réfléchir aux finalités des ces disciplines...

Cette transposition respectant scrupuleusement les lois naturelles, c'est forts de ce premier enseignement que nous allons pouvoir envisager ses applications. Pour cela plusieurs manipulations sont graduellement possibles qui permettent d'en maîtriser la chimie. Il convient de manier ces élements avec précaution et savoir. Une approximation pourrait entraîner sur la marque des conséquences aussi dévastatrices qu'une explosion chimique ou le passage d'un ouragan.

B. Combinaisons

Pour cheminer vers un résultat probant et sain, il appartient à chacun de combiner les forces selon sa propre intuition. C'est par l'expérience et, c'est induit, par l'expérimentation qu'il parviendra à maîtriser les équilibres. Ainsi, manipuler les atomes, comme le suggère Brad Frost, sans maîtriser les forces qui les animent ne peut qu'engendrer des résultats hasardeux. Respecter et intégrer les règles qui nous dépassent sans sourciller et, surtout, sans la vaniteuse tentation de les ignorer, me semble indispensable à tous les niveaux de la chaîne de production. Encore une fois, il faut insister sur la notion de relativité car le temps ne peut être pris en compte comme une donnée unilatérale.

Composition de la matière dans le design digital

Figure 3

où il est admis que

Figure 1a

Fig. B1

Comme nous le constatons dans ce schéma l'atome n'est pas insécable et ne représente pas le grain de matière premier. Par exemple, l'atomic design nous exhorte a considérer le logo comme un composant de base irréductible, ce qui déjà en soi apparait comme une hérésie. Nous allons donc réaliser dans ce paragraphe une fission de ce composant. En intégrant la classification précédente et en n'étudiant que la surface des choses, on peut effectivement penser que le logo ne possède que la force texte terreTERRE, c'est à dire qu'il apparait comme un solide premier tout à fait palpable. Pourtant en produisant l'effort de casser ce composant nous constaterons rapidement que pour exister il aura également besoin d'un code couleur, défini par une combinaison de codes mathématiques (texte eau EAU), qu'il devra induire un élan défini par le cahier des charges, donc un mouvement (texte feuFEU), et enfin qu'il ne saurait venir d'ailleurs que de la richesse culturelle de celui qui le crée (texte airAIR). Rappelons-nous ici que lorsque l'on prétend étudier l'infiniment petit il est indispensable d'appréhender la notion d'infini.

Voyons maintenant comment les combinaisons de forces déterminent l'équilibre de chaque chose. Et bien sûr, là aussi, il faudra tenir compte de l'infinité des résultats possibles, la création est ainsi faite. Alors quelle force dois-je rendre centrale, à quel dosage, avec quelles manipulations, à quel moment du processus ? A la lecture de l'exemple précédent il serait tentant de se contenter d'un mélange en quantités égales, puis remuer et servir. Malheureusement, nous savons bien que cela ne fonctionnera pas. Les tentatives d'algorithmes pour répondre aux besoins des annonceurs se sont tous révélés comme des échecs cuisants. D'ailleurs, si l'on reconsidère l'équation précédente, apparait alors une incongruité : contrairement à l'addition mathématique conventionnelle, le premier élément inclus devient définitivement central et impulse le mouvement des autres forces.

Figure 1b

Fig. B2

Cet état particulier répond clairement à des règles quantiques, or si nous savons mesurer et observer ces états, leur signification et leurs nuances restent encore actuellement hors de portée de notre compréhension. Nous pouvons en revanche en disposer tout en prenant garde à ne pas écarter certaines vérités booléennes ( α + α + α + ... + α = α ). Pour plus de clarté voici deux autres exemples d'équations plaçant une force différente au centre de l'atome.

Figure 1c

Figure 1d

Fig. B3

C'est en cela que nous n'aurons d'autre choix que de construire nos briques de façon savante et organisée, sans prétendre se passer d'un enseignement scientifique indispensable, sous peine d'être vite dépassés par la multitude (l'infinité) de combinaisons possibles. Et puisqu'il ne s'agit pas de rejeter en bloc les enseignements modernes, nous admettrons dans le chapitre suivant que les supports de la création digitale, toujours plus nombreux, ne peuvent effectivement plus être assimilés à des pages et que l'analogie des lettres combinées qui créent des mots qui combinés à leur tour créent des phrases, qui créent des pages, qui créent des livres et qui finissent par créer des bibliothèques a ses limites et n'est largement plus suffisante aujourd'hui.

C. Éloge de la complexité

Figure 2

Représentation géométrique

Pour progresser dans cette démonstration, nous devrons désormais aller chercher les enseignements de Pythagore et Platon. C'est probablement la perspective d'une difficulté grandissante qui fait que l'Atomic design ignore complètement la Tétraktys par exemple. Le Material design et, avant lui, le Flat design n'intégraient eux que de vagues métaphores scientifiques mélangées à des cautions artistiques détournées de leur essence. Le designer ne serait-il donc qu'un ignare prétentieux, un charlatan qui se fait passer pour un savant ? il est tentant de le penser quand on se penche sur les démonstrations des deux derniers cités. L'Atomic design fait au moins l'effort de s'attarder sur la surface réelle des choses. Bien sur nous n'allons pas entrer ici dans les détails de l'arithmologie pythagoricienne, nous la considérerons comme acquise. Pour un minimum requis nous indexerons wikipedia.

Pythagore nous enseigne tout d'abord que « Tout est nombre » et aucune observation depuis ne le démentira. Le système binaire qui soutient aujourd'hui nos outils et nos supports est sans conteste le plus humble serviteur de cette affirmation. Le numérique s'appuie de façon exclusive sur des technologies que nous utilisons sans comprendre puisqu'elles fonctionnent tout de même (et là je ne parle pas des seuls profanes et utilisateurs) - le tout numérique est donc un suicide pur et simple... passons. Si tout est nombre, la création n'échappe en aucun cas à cette règle. Une représentation graphique de la pensée n'est rien de moins que la traduction d'impulsions physiques et atomiques. Nous sommes électroniques, quoi qu'on en pense. Il s'agit donc de rendre compte d'une pensée, d'un rêve ou d'une perspective en s'appuyant sur l'état 1 ou l'état 0 du système. Cela nous ramène à la Tétraktis : le point 1, la ligne 2, la surface 3, le solide 4, soit 1 + 2 + 3 + 4 = 10. Dans l'agencement géométrique de Pythagore, la tétrade (triangle) vaut la décade (nombre parfait) et permet toutes les figures.

Figure 2a

Fig. C1 - Tétraktys

Sur cette base (non, ce ne sont pas des sapins de Noël) nous constatons que l'arrangement élémentaire permet l'échange qui définit la nuance via les lignes dites « de forces ». Cette architecture engendre l'unification de l'objet et organise la matière via les interactions que nous étudierons plus en détails dans le chapitre suivant. Faute de pouvoir la représenter puisqu'elle n'est pas dans le spectre visible, la résultante dominante de ces interactions est indiquée dans ce schéma par le fond de couleur de la tétrade et peut ainsi être transposé à l'infini via des figures géométriques de plus en plus complexes.

Exemples :

Figure 2b

Fig. C2

Platon établit des liens entre dimensions, figures, nombres et éléments. Aristote conclut : « Ce qui est absolument indivisible, mais avec position, est un point ; ce qui est divisible selon une dimension est une ligne ; ce qui est divisible selon deux dimensions est une surface ; ce qui est absolument divisible en quantité et selon trois dimensions est un volume ». Il s'agit désormais de comprendre ce qu'il se passe le long des lignes de forces. C'est en cela que la disposition des éléments premiers devient savante, car nous manipulons dès lors des forces capricieuses. Ou plutôt, soyons précis et justes, des forces qui répondent à des logiques que nous sommes humblement obligés de considérer comme étant singulières. C'est Aristote qui s'est chargé de démêler ces états en ajoutant des qualités à ces forces combinées, comme l'on rajoute aujourd'hui des dimensions à l'espace temps. C'est ce que nous aborderons maintenant.

D. Qualités et interactions

En se servant des travaux de Pythagore, Platon et Philistion, Aristote suppute que du mélange primaire des éléments (Fig. 1a) découlent 4 qualités élémentaires (chaud, froid, sec, humide), chacune étant associée à 2 éléments - ainsi chaque élément possède lui aussi deux qualités. Ces qualités sont réparties selon le caractère des éléments, et, si certaines sont complémentaires, d'autres s'opposent et ne peuvent être combinées (chaud ∦ froid ; sec ∦ humide). Les schémas d'interactions ci-dessous clarifieront le propos.

Qualité 1

Fig. D1

Voilà ce qui nous permet d'interpréter le résultat des échanges de forces. En introduisant ces nouvelles dimensions nous comprenons la nécessité de combiner prudemment les opposés. Ainsi, si le FEU et l'AIR sont combinés, la complétion devra faire l'objet d'un choix entre SEC et HUMIDE car ils s'opposent. Dans cette combinaison nous aurons plusieurs résultats possibles : FEU + AIR = SEC + CHAUD ; ou FEU + AIR = CHAUD + HUMIDE ; ou AIR + FEU = HUMIDE + CHAUD ; ou AIR + FEU = CHAUD + SEC (Attention ! comme dans le premier chapitre, intégrons que CHAUD + HUMIDE ≠ HUMIDE + CHAUD). Une combinaison peut n'intégrer qu'une seule des qualités disponibles mais en résultera forcément la dominante de l'élément premier. Soit, si nous poursuivons sur la base du même exemple nous obtiendrons : FEU + AIR = CHAUD ; ou FEU + AIR = SEC ; ou AIR + FEU = CHAUD ; ou AIR + FEU = HUMIDE.

Il faut également souligner que ces qualités déterminent des caractères (ce sur quoi s'appuie l'astrologie notamment). CHAUD et FROID sont des qualités actives, tandis que FROID et HUMIDE sont des qualités passives. CHAUD possède les caractères d'énergie, d'expansion et d'extraversion, à l'opposé FROID est un principe d'immobilité, d'intériorisation et d'introversion. Du côté passif, SEC est un processus d'analyse, d'individualisation et de repli, tandis que HUMIDE synthétise, lie et collectivise.

Qualité 2

Fig. D2

Nous voici techniquement armés pour la mise en application concrète de ces théories. Il faut néanmoins admettre que l'aridité d'un enseignement scientifique ne sait et ne saura jamais rendre compte de la part de magie qu'une création nécessite, fut-elle commandée. Comment, en effet, manier des forces impalpables pour les intégrer dans un workflow soumis à des impératifs commerciaux prépondérants ? Comment laisser la création a sa juste place sans la contraindre par des règles d'uniformisation ? Est-il possible de se servir de l'élasticité du temps pour répondre à un cahier des charges ?

5. La libre invention

En terme de design digital, le cadre (ou support) est numérique, ce qui rend la relation avec l'arithmétique grecque évidente (rappel : tout est nombre). Les sauts quantiques y sont maîtrisables et entrent en interaction directe avec la matière même de création. A la limite, ne pas les comprendre entièrement peut être considéré comme accessoire. Cette remarque semble un peu vaniteuse mais il n'est pas question de choix à ce niveau : c'est ainsi. Puisque ses travaux nous l'autorisent, faisons un saut dans le temps pour citer Albert Einstein : « Nous savons maintenant que la science ne peut naître de la seule expérience immédiate et qu'il nous est impossible, lorsque nous en construisons l'édifice, de nous passer de l'invention libre dont nous ne pouvons vérifier l'utilité qu'à posteriori, à la lumière de notre expérience ».

- A suivre : Partie 2 -

Elemental Design §1

Propos sur le design élémentaire - Traité ésotérique de l'interaction des forces

Notes de l'auteur - Si, courageux, vous avez lu cette pseudo thèse en entier vous avez probablement compris qu'il s'agissait d'une blague. Un pastiche des théorisations plus ou moins savantes qui nous exhortent à adopter des méthodes soit-disant indispensables à notre productivité, au point d'en intégrer les bibliothèques en natif dans les logiciels de créa. A un moment je me suis même dit que je pourrais pousser le bouchon plus loin en filmant une fausse conférence. Mais bon. J'ai du travail à faire aussi. Non, il s'agissait juste d'intellectualiser à outrance le système de tri de mon book, rien de plus. Avec un mélange de sciences physiques, de mathématiques, de géométrie, de chimie, d'alchimie et même d'astrologie, je ne pouvais pas faire plus exhaustivement ridicule. Et, tout en rédigeant, je me dis qu'il est tout de même possible qu'on m'écrive pour débattre. C'est pour ça que je n'ouvrirai pas de commentaires pour cet article.